Cet historique a été , dans sa première version , extrait d'un passage du " Bulletin d'histoire de l'électricité " réalisé par André Grelon, intitulé : " Marie-Louise Paris et l'Ecole Polytechnique Féminine ". Il a été (février 2006) totalement revu et remodelé par Maryse Barbance autuer d'un ouvrage de référence sur l'histoire de l'Ecole Polytechnique féminine (De l'Ecole polytechnique féminine à l'EPF école d'ingénieures) publié aux éditions Eyrolles.
La famille
Marie-Louise Paris (1889-1969), est la fille aînée
d’une
famille de six enfants dont Louis (1888-1965) est l'ainé.
René (1891-1972), qui la suit immédiatement, restera proche d’elle
sa vie durant et la secondera dans son désir de fonder une école
polytechnique pour les filles ; c’est lui qui trouvera la villa
de Sceaux, en 1956, site de l’EPF depuis lors. Hélène (1898-1991)
d’une dizaine d’années plus jeune que Marie-Louise, sera
sa compagne d’études. Alphonse (1900-1917) décédera
jeune de maladie. De Jeanne (1902-1999), la « petite dernière » qui
deviendra veuve avec de plusieurs enfants à charge, Marie-Louise s’occupera
beaucoup. Elle accueillera notamment ses deux aînées, Loyse et
Chantal, sous son toit, avant qu’Hélène, mariée
entre temps, ne prenne la relève, et la soutiendra financièrement.
Au tournant du siècle, la famille Paris vit à Besançon.
Le père, officier d’administration dans l’armée depuis
1892, se voit confirmé à ce poste en 1900 .
Il est cependant déjà touché par les premiers symptômes
d’une maladie intestinale qui lui vaudra d’être renvoyé dans
ses foyers par le ministère de la Guerre en 1914. À compter de
cette année-là, les épreuves vont s’enchaîner
pour la famille Paris. Toujours en 1914, Louis et René partent au front.
Louis est blessé et René bientôt fait prisonnier. La guerre
n’est pas terminée qu’Alphonse, le jeune frère de
Marie-Louise, est emporté par une méningite. Il a tout juste
17 ans. L’adversité se poursuit avec la ruine financière
et imprévisible de la famille consécutive à de mauvais
placements. C’est dans ces circonstances que les Paris décident
de quitter Besançon pour la capitale, un départ qui fait penser à une
fuite car ils n’emportent rien : ni documents, ni photographies.
Les ressources restantes leur permettent d’acquérir un pavillon à Villemomble.
Nous sommes alors en 1917 (ou 1918). Suit le décès du père,
en 1919, de la maladie dont il souffre depuis plus de vingt ans. Progressivement,
les enfants, s’ils ne l’ont déjà fait, quittent le
giron familial. Marie-Louise Paris se retrouve bientôt seule avec sa
mère (qui décédera en 1944) et, tour à tour, avec
Loyse ou Chantal, les filles de Jeanne qu’elle abrite sous son toit.
Les études, le métier, la vocation
C’est peu après le décès de son père que
Marie-Louise Paris, qui a déjà plus de trente ans, décide
d’entreprendre des études supérieures. A-t-elle attendu
jusque-là pour s’occuper de son père ? Toujours est-il
qu’elle reprend ses études et entraine Hélène dans
l’aventure. Probablement parce qu’elle sait qu’il leur faudra
travailler pour vivre. En 1921, toutes deux ont déjà accompli
un parcours hors du commun pour des jeunes femmes de leur âge à leur époque.
Diplômées de chez Sudria cette année-là, elles s’inscrivent à l’Institut
de Grenoble. Là, compte tenu de leur parcours antérieur, leur
formation ne va durer qu’un an. Elles font donc partie des 4 jeunes femmes,
sur quelque 605 étudiants, qui sortent de l’Institut de Grenoble
en 1922 : 483 viennent des deux sections d’ingénieurs ,
auxquels il faut ajouter 122 diplômés de la section militaire
spéciale ouverte à l’intention des soldats démobilisés.
Diplôme en poche, Marie-Louise commence aussitôt à travailler
comme ingénieure. Elle s’occupe notamment de la mise en place
du service de signalisation de la gare de Laon. Le soir, elle rentre à Villemomble.
Les souvenirs de cette époque, évoqués par ceux qui ont
connue la jeune femme d’alors, permettent de la décrire comme
passionnée et débordante de vie et d’activité. Elle
cousait, raccommodait et tricotait, témoigne l’un. Elle allait
faire les courses au marché du Raincy d’où elle revenait
les paniers débordants de légumes, et à peine était-elle
de retour qu’elle s’affairait à la cuisine : coq au
vin, langoustines, aucun plat ne lui résistait, témoigne un autre. Elle était à l’éveil
de tout, elle buvait la vie, aucun obstacle ne la décourageait, rapporte
un troisième. On ne pouvait pas lui résister, résume une
ancienne EPF.
Pendant l’été, Marie-Louise Paris retourne à l’occasion
dans le Jura où elle fait des promenades en montagne avec ses sœurs.
Ces moments sont l’occasion de retrouvailles durant lesquelles elle chante
des chansons qu’elle compose avec Jeanne.
Assez rapidement pourtant, l’idée de mettre sur pied une école
supérieure pour les filles fait son chemin dans l’esprit de Marie-Louise
Paris, pour au moins deux raisons : elle a la vocation de l’enseignement — c’est
ce qu’elle écrira au directeur du CNAM qui
abritera l’école de 1925 à 1946 —, et elle sait,
pour l’avoir vécu, combien il est difficile pour les filles de
se former dans une école de garçons. De cela, elle témoignera à plusieurs
reprises au cours des années ultérieures : « Nous étions
deux jeunes filles parmi douze cents garçons surpris de notre hardiesse,
souvent goguenards, presque toujours condescendants. Pour nous maintenir au
niveau des meilleurs, il fallait produire le même effort que les autres… et
quelque chose de plus. Cette fatigue supplémentaire que nous imposait,
par sa structure, l’ambiance de l’établissement constituait
le handicap que nous avons dû remonter, parfois avec l’énergie
du désespoir. Je ne sais si je me fais comprendre, mais imaginez le
contraire : deux garçons perdus parmi douze cents jeunes filles, appelés à fournir
un travail intellectuel intense dans une âpre, une impitoyable compétition . »
Études exigeantes, fatigue supplémentaire causée par la
situation, sentiment d’isolement, comment s’en étonner quand
on a en tête qu’elles étaient 4 filles sur plus de 600 étudiants.
Marie-Louise Paris gonflait donc quelque peu les chiffres… Le souvenir
de ces années et la passion de l’éducation nourrissent
donc le désir de Marie-Louise Paris de fonder une école technique
supérieure à l’intention des filles. Cette école,
elle va d’abord l’appeler l’Institut électromécanique
féminin.
Nous sommes en 1925. Le 26 mai, Marie-Louise Paris écrit au directeur
du CNAM, Louis Gabelle, pour lui demander d’abriter son Institut quelques
matinées par semaine : « À la rigueur je ferai une
partie des cours au conservatoire et l’autre partie à la Sorbonne, écrit-elle.
J’accepterai toutes les combinaisons quelles que soient les difficultés… Je
ne demande qu’une chose, commencer à exister . » Un
mois plus tard, Louis Gabelle lui répond : « […]
Le Conseil d’administration du Conservatoire, reconnaissant l’intérêt
que présente ce nouvel enseignement féminin que vous organisez,
a bien voulu mettre à votre disposition, à titre exceptionnel
et provisoire, une salle du Conservatoire, plusieurs matinées par semaine,
pour y faire des leçons d’électromécanique. Je suis
heureux d’avoir pu seconder l’intérêt que vous portez à cette
tentative intéressante […] » Le procès-verbal
du conseil d’administration du 18 juin permet de penser que Marie-Louise
Paris bénéficie alors de l’appui d’au moins deux
professeurs : Gabriel Koenigs, professeur de mécanique, dont il
est dit qu’il mettra « un local à la disposition de
cette jeune fille pour deux ou trois matinées », et Léon
Guillet, directeur de Centrale et le plus grand métallurgiste français,
sinon européen, de l’époque, estime André Grelon : « Imaginons-le
voyant arriver cette petite dame [Marie-Louise Paris] qui venait lui demander
d’enseigner à ses étudiantes… C’était
un petit milieu au sein duquel tout le monde se connaissait. Si un professeur était
réputé comme étant excellent à Centrale, il l’était
aussi nécessairement à l’EPF », de commenter l’historien .
De Guillet, le procès-verbal indique qu’il « appuie
la demande de Melle Paris qui lui paraît mériter d’être
encouragée. » À ces noms il faut ajouter ceux d’Henri
Chaumat, professeur au CNAM et à Sup’Élec, Louis Barbillion,
directeur honoraire de l’Institut polytechnique de l’université de
Grenoble, Édouard Branly, membre de l’Institut, Léon Eyrolles,
fondateur et directeur de l’École des travaux publics du bâtiment
et de l’industrie, Louis Gabelle, directeur du CNAM et Molliard, doyen
honoraire de la Faculté des sciences de Paris. Tous font partie du comité de
patronage dont Marie-Louise Paris cite les noms dans le programme scolaire
des années 30. Elle dira avoir également bénéficié d’un
autre appui essentiel : celui d’Edmond Labbé, alors directeur
de l’Enseignement technique au ministère de l’Instruction
publique .
Évoquant la lettre de Louis Gabelle, Marie-Louise Paris se rappellera
plus tard combien elle en fut « inondée de bonheur, comme
dans un rêve… »
Cité dans De l’École polytechnique féminine à l’EPF école d’ingénieurs, Paris, Eyrolles, 2005, p. 39.
La formation à l’époque : ingénieur, aide-ingénieur ou… dessinatrice ?
Le 4 novembre 1925, l’Institut électromécanique accueille ses premières étudiantes dans les locaux du CNAM. Il comprend alors trois sections :
Si la section préparatoire forme quelques jeunes filles, c’est la section supérieure qui accueille le plus grand nombre d’étudiantes, ce qui étonne peu car c’était bien le vœu de Marie-Louise Paris de créer une école supérieure. Cette section formera autour de cinq diplômées par an jusqu’en 1939. En 1928, de nouvelles matières s’ajoutent à l’électromécanique : le droit industriel et commercial, les langues vivantes, les installations haute-tension, la télégraphie et la téléphonie. L'Institut compte alors huit enseignants, dont Marie-Louise Paris.
En 1933, l’Institut électromécanique féminin prend le nom d’École polytechnique féminine. Sur les raisons de ce changement de nom, l’hypothèse d’un élargissement du contenu des cours apparaît plausible. La formation passe en effet à trois ans et intègre désormais une formation en aéronautique. De fait, l’École s’oriente vers un enseignement polytechnique.
La formation en aéronautique, une tradition qui remonte aux années 30
Marie-Louise Paris est en effet enthousiasmée par les exploits des
aviateurs de l’époque, notamment des aviatrices. Maryse Bastié,
qui devait traverser seule l’Atlantique Sud en 1936, et Hélène
Boucher, qui était la détentrice du record du monde sur mille
kilomètres pour avions légers avant de trouver la mort en essayant
le Caudron « Rafale » en 1934, seront d’ailleurs
toutes deux marraines de promotions EPF, la seconde à titre posthume,
en 1938, la première en 1945. De même, Henri Farman, le premier à avoir
réussi, en Europe, un circuit aérien fermé d’un
kilomètre (en 1908), sera le parrain de la promotion 1947. La passion
de Marie-Louise Paris est telle qu’elle l’a fait partager à ses étudiantes
et entreprend de concrétiser avec elles un prototype d’avion de
tourisme. Le profil d’aile est bientôt choisi, les proportions
déterminées, l’avion dessiné. Si bien qu’en
1936, la maquette est exposée au salon de l’aviation. C’est
le « Paris-France » qui ne sera malheureusement pas construit à cause
de la guerre.
Mais la passion pour l’aéronautique est née et continuera
de marquer les ingénieures EPF de toutes les générations.
D’autant que Maurice Berthaume, embauché par Marie-Louise Paris
en 1938 pour assurer les cours dans le domaine, sera impliqué comme
aviateur pendant la guerre, puis nommé, en 1946, chef du Service supersonique à l’Arsenal
de l’Aéronautique (la première aérospatiale) avant
de devenir chef de cabinet de plusieurs ministères. Les anciennes sont
nombreuses à considérer que c’est à lui qu’elles
doivent leur orientation dans l’aéronautique. La première
pilote de ligne européenne, Jacqueline Dubut, est d’ailleurs une
EPF. Au cours des décennies plus récentes nombre d’ingénieurs
EPF ont travaillé à la Caravelle et au Concorde.
Les élèves restent au départ peu nombreuses et la moyenne annuelle est très faible.
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Pourtant, jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la moyenne annuelle des diplômées reste peu élevée : cinq à six par année. Ce petit nombre explique sans doute pourquoi le CNAM accepte toujours d’abriter l’école. Cinq jeunes filles par promotion, cela fait une quinzaine par an à compter de 1933, quand la durée des études passe à trois ans. Une présence qui ne doit guère perturber le fonctionnement du conservatoire. Quoique… dès 1932, un document manuscrit intitulé « Cas de Melle Paris », indique que celle-ci et ses élèves ont « envahi 2 salles (E et I) tous les jours, matin et après-midi » ; or, le CNAM se devant de trouver des cabinets pour ses professeurs, certains de ceux-ci sont d’avis qu’il conviendrait de mettre faire cesser les activités de l’Institut dans l’enceinte du Conservatoire. Le 27 mai, le conseil d’administration adresse donc une lettre à Marie-Louise Paris lui indiquant qu’il a décidé de reprendre la salle mise à sa disposition depuis 1925, le 1er octobre suivant. Faisant valoir la difficulté de sa situation, notamment sur le plan financier, Marie-Louise Paris réussit pourtant à rester.
1938 est une autre année importante pour l’École
: elle est habilitée à délivrer le Diplôme d'Ingénieur
par la Commission des Titres d'Ingénieurs (créée en 1934).
Coïncidence heureuse, cette année-là, 11 élèves
sortent diplômées, chiffre qui n'avait jamais été atteint
jusqu'alors. Enfin, à compter de 1943, l'École est reconnue par
l’État.
Entre temps, en 1939, voulant participer à l’effort de guerre,
Marie-Louise Paris met sur pied une section de techniciennes de l'Air à l’intention
de jeunes femmes sans baccalauréat. Le but est de les former pour qu’elles
puissent remplacer les hommes incorporés. La section, qui accueille
alors une centaine d’étudiantes, ne durera pourtant qu’un
an.
Parallèlement, la situation de l’École au Conservatoire
s’est à nouveau compliquée, notamment depuis la nomination
de Louis Ragey au poste de directeur. Très rapidement, les relations
se tendent : des professeurs se plaignent d’une utilisation abusive des
salles par les EPF, Marie-Louise Paris n’acquitte pas comme elle devrait
les frais de scolarité de ses élèves qui suivent le cours
de métallurgie du conservatoire, même chose pour les frais généraux
(chauffage et électricité). La directrice fait bien valoir que
les pères de ses élèves étant pour la plupart privés
de situation du fait des hostilités, ne lui ont pas eux-mêmes
payé ce qu’ils lui devaient, mais toutes sortes d’autres
sujets sont prétexte à litige, qui disent la dégradation
des relations : la date de la fin des cours (que Marie-Louise Paris situe une
fois un dimanche), les migrations du classeur utilisé par l’EPF à travers
les salles du Conservatoire à cause de l’Occupation, les clefs
des salles de cours dont Marie-Louise Paris aimerait disposer (mais ce n’est
pas l’usage), les plaintes du service de gardiennage à l’effet
que les EPF laissent les lumières allumées, déménagent
des chaises… Le 23 juin 1945, Louis Ragey, profitant du fait qu’il
a besoin de salles pour une école supérieure qui vient d’être
mise sur pied au sein du Conservatoire, tente à nouveau d’expulser
l’École. En vain…
Marie-Louise Paris continue d’enseigner. Entre ses cours, elle corrige
ses copies dans un café, au 129, boulevard Sébastopol. Le patron
la remarque et en parle à sa fille : « C’est lorsque
je suis entrée à l’EPF que j’ai réalisé que
le professeur dont me parlait mon père, qui venait corriger ses copies
au café, n’était autre que Marie-Louise Paris, raconte
une EPF. C’était en 1945 ou 1946. »
Il faut attendre 1946 et une troisième tentative d’expulsion pour que l’EPF déménage. C’est alors le début d’une longue errance, une période de « nomadisme », ainsi que l’ont qualifiée les anciennes, qui va durer dix ans. Années pendant lesquelles, les cours seront assurés dans différents lycées parisiens, la plupart du temps après 16h, ainsi que le jeudi et le samedi, jours de repos pour les élèves du secondaire. Se succéderont ainsi le lycée La Fontaine, pendant six ans, puis le lycée Jules-Ferry et le lycée Janson de Sailly. Quant aux travaux pratiques, l’École centrale et l’École supérieure d’aéronautique accepteront successivement de les abriter.
Parallèlement, les ingénieures EPF sont de plus en plus appréciées
dans le monde du travail. Certaines se distinguent, comme Christiane Gilet,
de la promotion 1955, qui travaille au bureau des expéditions polaires
dirigées par Paul Émile Victor et fait partie d'expéditions
au Groenland. En 1958, Geneviève Vinas-Espin est recrutée par
le service français de l’OTAN, à titre de Research
associate, afin de participer à la mise au point d’une soufflerie
hypersonique ainsi qu’à l’étude théorique
de la rentrée dans l’atmosphère à l’université de
Stanford (Californie).
Et les promotions ne cessent d’augmenter, signe que l’EPF répond à un
vrai besoin. À la fin des années 50, les promotions atteignent
la soixantaine. Il est urgent de trouver des locaux définitifs.
En 1956, c’est chose faite. Marie-Louise Paris découvre à Sceaux le site dont elle rêvait : une villa spacieuse et entourée d’un grand verger qui offre des perspectives de développement. À l’époque, la villa sert de maison privée à Marie-Louise Paris qui a également installé, au rez-de-chaussée, le secrétariat de l’école ainsi qu’un couple de gardiens. Des conditions pour le moins difficiles sur le plan de la vie personnelle, sans compter que sur le plan professionnel, la place manque déjà pour les élèves. Mais comme par le passé, Marie-Louise Paris tire au mieux partie de ses ressources. Elle fait donc construire deux amphithéâtres pour les cours magistraux et installe les travaux pratiques au sous-sol et dans le grenier. Elle a toutefois conscience que d’autres locaux sont nécessaires. C’est ainsi qu’au fil de la décennie suivante, elle fera bâtir, en direction du fond du jardin, outre les amphithéâtres, un centre de calcul et deux laboratoires d’électronique. Construit en 1967, le centre de calcul, abritera le premier ordinateur de l’école : un IBM 1130.
• Électronique et informatique, la révolution des années 60
L’EPF connaît alors sa troisième révolution : après l’électromécanique dans les années 20, puis l’aéronautique à la fin des années 30, c’est au tour de l’électronique et de l’informatique. Marie-Louise Paris sait en effet que la réputation de l’école tient en grande partie à ses enseignements de pointe que les grandes écoles d’État, plus lentes à réagir, n’offrent pas dans l’immédiat. Dès la fin des années 50, elle créé donc un cours de calcul matriciel, ancêtre de l’informatique, qui ne se donne dans aucune autre école. En septembre 1959, le passage de la formation EPF de trois à quatre années, lui fournit une autre occasion de développer de nouveaux cours. L’EPF est alors la seule institution à offrir un cours d’électronique impulsionnelle et un autre sur les systèmes asservis.
Marie-Louise Paris a probablement fait tout ce qui était en son possible pour que son école vive et s’épanouisse. Jusqu'à la fin, elle aura enseigné et animé ce qui fut l’œuvre de toute sa vie. Quand elle décède, le 28 avril 1969, l’EPF est logée dans un cadre magnifique, son enseignement est à la pointe et ses promotions atteignent la centaine d’élèves, qui deviendront 150 au cours de la décennie 70. Dès le lendemain, Maurice Berthaume, son collaborateur depuis 1938, prend sa succession. Il a la lourde tâche de réorganiser une maison traditionnellement sous-administrée, les qualités de pédagogue de Marie-Louise Paris ne s’étant pas accompagnées d'un talent de gestionnaire. Ce sera chose faite à son départ en 1976.
• L’EPF, une école pionnière à l’international, mixte devenue et à la pointe des avancées techniques
Depuis lors, l’École Polytechnique Féminine n’a
pas cessé de se développer. Des événements marquants
ont ponctué son évolution. Après le passage à Bac
plus 5, en 1984, sous la direction de Colette Kreder, qui met l’EPF au
niveau des autres grandes écoles en termes d’années d’études,
ce sera la création du service international qui permettra à des
dizaines d’élèves d’aller se former en partie à l’étranger,
notamment aux États-Unis, et cela dès le début des années
80. Sur ce plan aussi, l’EPF a été pionnière.
Reconnue Fondation d’intérêt public en 1991, notamment pour
son rôle dans la formation des filles, l’EPF connaîtra son
dernier bouleversement lors de son passage à la mixité, décidé à la
fin du mandat de Colette Kreder, en décembre 1993. Depuis une vingtaine
d’années, la plupart des grandes écoles sont en effet mixtes.
L’EPF n’a donc plus de raison de refuser des garçons surtout
dans une période où le recrutement se fait de plus en plus difficile.
La rentrée de septembre 1994 accueille donc pour la première
fois des garçons. Afin de refléter cette évolution l’EPF
change de nom pour la seconde fois, mais parce qu’elle souhaite honorer
sa mémoire et le nom sous lequel elle fut connue et qui fit sa réputation,
elle tient à garder son sigle ; simplement, elle ne le décline
plus. Désormais, elle s’appellera l’EPF école d’ingénieurs.
Cette année-là, Alain Jeneveau prend la relève à titre
de directeur.
Au fil des années, forte de la reconnaissance des industriels, l'EPF n’a pas cessé de voir augmenter le nombre de ses élèves. Actuellement, elle est une école mixte qui forme des ingénieurs généralistes avec choix de spécialisation en fin de 4ème année parmi 8 options :
À ces options qui font l’objet de remises à jour continues par le Conseil de perfectionnement, se sont récemment ajoutées deux autres options répondant à de nouveaux besoins :
Les témoignages de Jean-Charles Poggi, Président de la Fondation EPF, d’Alain Jeneveau, directeur de l’École et d’autres dirigeants de l’EPF, tels que présentés dans le livre récemment publié sur l’histoire de l’EPF, permettent de penser que l’EPF travaille aujourd’hui dans trois directions.
L’international : l’EPF tient à maintenir et développer sa tradition de formation à l’international. Dans cette optique, outre de multiples possibilités de stages et de cours dans des universités étrangères, elle propose des formations bidiplômantes dont une avec l’Allemagne et une autre avec le Québec ; formations à l’issue desquelles les jeunes obtiennent et le diplôme EPF et le diplôme d’ingénieur allemand ou canadien.
La formation des jeunes femmes : l’EPF dit explicitement son désir de continuer de soutenir la formation de celles-ci. De fait, si aujourd'hui l'entrée des jeunes femmes dans des formations d'ingénieurs devient progressivement un phénomène heureusement banal, et si graduellement les femmes s'insèrent dans l'ensemble des structures d'encadrement au sein de compagnies de toutes branches, c'est à des pionnières comme Marie-Louise Paris qui ont interpellé le milieu de l'ingénierie française, et aux premières ingénieures de l'entre-deux-guerres qui ont forcé les portes des entreprises, qu'elles doivent ces possibilités. En hommage à Marie-Louise Paris, mais aussi parce qu’elle croit en la mixité du monde des ingénieurs, l’École travaille en ce sens. Elle est ainsi la seule grande école qui, compte tenu de ses spécialisations, compte 40% de filles parmi ses diplômés en cinquième année.
L’implication dans les mondes de l’industrie et l’éducation : l’EPF veut demeurer en relation avec le monde qui l’entoure. Pour répondre aux industriels, l’École n’a de cesse de se maintenir à la pointe des avancées techniques et scientifiques, d’aller de l’avant et d’innover, ce qui a fait sa réputation depuis l’origine. L’EPF travaille également de concert avec le monde universitaire et de la recherche ainsi qu’avec le monde des grandes écoles. Sur ce plan, l’implication d’Alain Jeneveau dans diverses commissions à titre de président ou de membre ainsi qu’au sein des instances représentatives des grandes écoles et dans le monde des ingénieurs, tant sur les plans régional et départemental qu’international, a fait de l’EPF un interlocuteur incontournable dans le dialogue qui relie aujourd’hui le monde de l’éducation, privé et public, au monde de l’industrie.