La reconnaisance des titres ou diplômes au plan européen
Les problèmes de reconnaissance

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Les pratiques européennes sont profondément divergentes

Les pratiques des différents pays européens au moins sur les problèmes (2) - exercice libéral de la profession - et (4) - utilisation sociale de l'appellation ingénieur -, diffèrent sensiblement à la fois au niveau des procédures, mais plus encore au niveau du fond.

L'exercice libéral de la profession est strictement réglementé en Espagne, en Italie, en Grèce ou au Portugal, où prévaut dans ce cas l'obligation d'une inscription à un Ordre ou un Collège des Ingénieurs, conditionnée à la détention de diplômes reconnus voire d'examens d'habilitation professionnelle complémentaires.

A l'inverse rien de tel n'est prévu ni en France, ni en Allemagne, ni dans les pays scandinaves.

On ne peut malgré tout réduire la raison d'être des Ordres d'ingénieurs à cette garantie d'ordre public pour l'exercice libéral de la profession: en Italie par exemple, 60% des ingénieurs sont inscrits à l'Ordre, au delà du pourcentage même élevé d'ingénieurs exerçant une activité indépendante (40%), lié, sans doute, à l'importance traditionnelle de la filière génie civil. Au Royaume-uni les Institutions accompagnent la carrière professionnelle de leurs membres d'actions diverses d'intérêt collectif (formation permanente, information…).

En ce qui concerne l'utilisation sociale des titres, seul le titre d'Ingénieur Diplômé est protégé en France (mais non l'appellation d'ingénieur et son usage à des fins professionnelles). En revanche, dans d'autres pays européens (Allemagne, Belgique, Pays-Bas), une législation très stricte assure la protection de la dénomination professionnelle "ingénieur", qui n'est réservée qu'aux titulaires de diplômes agréés.

En Allemagne, la législation des Länder est particulièrement sourcilleuse et le port sans droit du titre professionnel d'ingénieur est punissable d'une peine d'amende. En Belgique, une amende peut également être imposée à l'employeur qui qualifie ingénieur un employé non autorisé à en porter le titre.

Ces quelques évocations rappellent que les cadres législatifs existants représentent encore des entraves à des perspectives de mobilité, mais démontrent tout autant que leur évolution ne va pas de soi dès lors qu'elles sont ancrées sur des conceptions divergentes.

On ne peut guère imaginer aujourd'hui de solution magique

Les différences observées ne sont pas d'ordre technique

Face à ces obstacles, dont seule une partie a été explicitée, il serait tentant d'imaginer une politique très volontariste, fondée sur des principes de convergence vers un modèle unifié, ou au moins aux hétérogénéités maîtrisées. Cette tentation est latente, en particulier dans les milieux liés à la Commission, dès lors qu'elle est cohérente avec l'entreprise de construction d'un véritable espace industriel européen, et qu'elle semble au premier abord tout à fait "raisonnable".

Faire ce choix revient à considérer que les obstacles rencontrés sont simplement d'ordre technique, alors qu'ils se révèlent à l'analyse proprement culturels, profondément enracinés dans la culture et la réalité industrielle et économique de chaque pays.

L'appellation d'ingénieur fait référence en effet

à des situations professionnelles éminemment variables

selon les pays on considère la qualité d'ingénieur reconnue comme unique ou double ( coexistence d'un profil technologique ou scientifique, avec le cas échéant -Espagne - des ordres séparés avalisant une double échelle de qualification)

la relation entre la détention d'un diplôme et la possession d'une qualification professionnelle varie selon les pays ( il n'y a pas par exemple de diplôme d'ingénieur en Grande-Bretagne mais simplement des études en engineering - plus de la moitié des cadres techniques des entreprises françaises ont un niveau d'étude inférieur à bac+4)

à des formations fort peu homogènes

Le diplôme assurant l'accès naturel à la profession d'ingénieur peut être obtenu dans des intervalles de durée allant de 1600 heures à plus de 5000!

La durée observée des études peut aller de trois ans (UK) à près de dix ans (Allemagne, Italie) dans certains cas extrêmes.

l'expérience industrielle imposée peut aller de 0 à près d'une année de stages (7 mois en moyenne en France, de 6 à 12 mois en Allemagne).

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Aperçu des écarts entre pays européens

diplôme d'ingénieur
deux filières
Ordre pour les libéraux
Appelation contrôlée
Royaume-uni
non
non
oui
non
Allemagne
oui
oui
non
oui
France
oui
non
non
non
Espagne
oui
oui
oui
non?
Italie
oui
oui
oui
oui
Belgique
oui
oui
non
oui

On prend ainsi la mesure de la distance qui nous sépare de l'explicitation - dans l'absolu toujours imaginable et sans doute souhaitable sur le très long terme - de normes et de mise en place de réglementations pour circonscrire le profil et le champ de compétences supposées d'un "ingénieur européen".

Malgré ses mérites le label FEANI EurIng a peu de chances de s'imposer

Au stade actuel, la seule initiative concrète visant à donner un cadre formalisé à la mobilité professionnelle des ingénieurs est celle de la FEANI avec la création d'un titre professionnel faisant référence à un concept unifié global (sans prise en compte de la spécialité) d'ingénieur européen. La délivrance du titre EURING et l'inscription dans le Registre de la FEANI reposent sur des critères qui prennent en compte la double dimension professionnelle et académique: une durée de 7 années de formation comportant un minimum de 3 années de formation théorique et de deux ans d'expérience professionnelle d'ingénieur.

Environ 18.000 ingénieurs européens ont demandé leur inscription au registre de la FEANI, ce qui reste notablement insuffisant pour espérer un réel impact de ce titre auprès des employeurs et la création d' un véritable passeport de mobilité européenne. Il est révélateur que la population des EUR ING soit composée en majorité de britanniques, qui recherchent une reconnaissance pour une formation de base plus légère que la moyenne, et qui sont habitués au travers du titre de Chartered Engineer à voir leur expérience professionnelle valorisée.